Mardi 21 mars, des élèves de 1ère Berlin, Mexico, Rome et Quito ont passé la soirée au théâtre auditorium de Poitiers pour assister à la représentation d’une pièce peu connue de Molière, L’École des maris.
Avant sa mort, un père confie ses deux filles à deux frères de ses amis : ces tuteurs auront une autorité totale sur elles, et le droit de les épouser s’ils le souhaitent. La première, Léonor, vit une vie libre sous la tutelle d’Ariste, l’aîné des frères. La seconde, Isabelle, est enfermée dans sa chambre sous la tutelle tyrannique du cadet, Sganarelle.
Cette dernière, se voyant contrainte par son tuteur à l’épouser, et n’ayant de toute façon pas d’autre perspective, semble se résoudre à ce sort peu enviable. Mais, il se trouve qu’un jeune voisin, Valère, tombe amoureux d’elle et décide de la soustraire à son barbon. Dès lors Isabelle va se révéler une étonnante stratège : il lui faut en effet feindre d’accepter la situation imposée par Sganarelle et établir en même temps une relation avec Valère… en se servant de Sganarelle comme intermédiaire ! Et ce n’est que le début d’une succession de ruses qui permettra à l’amour des jeunes gens de triompher, au nez et à la barbe de Sganarelle.
Si, par moments, la diction des alexandrins n’était pas facile à comprendre, l’originalité de la mise en scène nous a enthousiasmés. Tout y était dynamique et fantaisiste : les personnages évoluent sur une structure composée en partie de coffres d’où ils sortent et où ils rentrent, de quelques accessoires mobiles et de guirlandes lumineuses ; la scène et la coulisse se mêlent, bousculant l’illusion théâtrale au profit d’un rythme endiablé ; des musiciens sur scène (les personnages eux-mêmes quand ils ne jouent pas) accompagnent des dialogues qui deviennent, à l’occasion, chansons, et la pièce devient concert ; les instruments mêlent les genres et les époques (de la harpe à la guitare électrique en passant par l’accordéon) de même que les costumes (entre tenues fleuries, rappelant les sixties, et austères habits noirs) ; parfois aussi, la scène se transforme en boite de nuit où les personnages dansent comme des fous sur de la techno, leurs ombres démesurées projetées sur les parois du fond de la scène… Ce joyeux désordre, digne d’un costume d’Arlequin, fait presque oublier un plateau presque nu et une décoration minimaliste. Nous nous sommes demandés si le choix de transformer cette pièce en spectacle total (théâtre, concert, danse) ne répondait pas à un désir de réinventer au XXIe siècle le genre de la comédie-ballet dans lequel s’est illustré Molière… En tout cas, ce spectacle nous a révélé la modernité inattendue d’une œuvre rarement lue en classe et qui pourtant, l’expérience nous l’a prouvé, résiste à l’épreuve des siècles.